Style de vie trumpiste

Ces influenceuses qui rendent le conservatisme glamour

Le mouvement MAGA ne se contente pas de domination intellectuelle, il vise aussi la domination esthétique sur les réseaux

Ces influenceuses qui rendent le conservatisme glamour Kai Trump, petite-fille du président - © SIPA

Tout passe mieux avec un bon éclairage. Une influenceuse retouche son maquillage tout en dénonçant le “radicalisme de la gauche”. Dans une vidéo Instagram visionnée 27 millions de fois, une jeune femme montre sa “tenue du jour”  : un ensemble pour aller à l’église, conçue pour dissimuler une arme à feu. Une autre vingtenaire pose avec des lunettes de soleil et son café : un latte glacé à la vanille au lait cru [ingrédient soutenu par le Secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr., ndt].

Un style de vie bon, vrai et beau

Bien que ces publications soient teintées d’une sensibilité républicaine, à première vue, elles ressemblent à tout ce que n’importe quel influenceur lambda pourrait publier. Les algorithmes des réseaux sociaux sont alimentés par des contenus beauté, mode et life style. C’est à la fois amusant à regarder et lucratif pour la petite partie des influenceurs qui attirent la majeure partie des dépenses marketing. Beaucoup de ces créateurs évitent la politique. En fait, il s’agit souvent de personnes de droite qui prétendent avoir été rejetées par leurs pairs, écartées des contrats avec les marques ou dont le contenu a été supprimé après qu’elles aient révélé pour qui elles ont voté. Nouvellement réhabilités par Donald Trump, les influenceurs républicains manient la production de contenus avec style pour rétablir la vérité.

“Le mouvement conservateur n’a jamais eu de belle vitrine”, Isabelle Redfield, cofondatrice de ‘The Conservateur’, un magazine en ligne qui se présente comme une alternative à ‘Vogue’”

“Le mouvement conservateur n’a jamais eu de belle vitrine”, déclare Isabelle Redfield, cofondatrice de ‘The Conservateur’, un magazine en ligne qui se présente comme une alternative à ‘Vogue’. “Les opérations marketing étaient toujours tournées vers les hommes.” Les publications sur Instagram de ce média comprennent des guides aguichants du type : “Comment s’habiller comme une IT-girl cet hiver”, et des appels à “remercier les DOGE boys [les fans d’Elon Musk à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), ndt] aujourd’hui !”. La plupart des plus de 100 000 abonnés à ce compte ne suivent pas d’autres contenus politiques, affirme Caroline Downey, sa rédactrice en chef. “Il y a quelque chose chez nous qui les attire instinctivement, et ils apprécient vraiment notre glamourisation d’un style de vie que nous pensons objectivement bon, vrai et beau.”

“Make America Hot Again”

Depuis que la campagne de Robert F. Kennedy junior pour “Rendre à nouveau sa bonne santé à l’Amérique” [“Make America Healthy Again” ndt] a atteint le plus haut sommet de l’État, le lait non pasteurisé – autrefois l’apanage des hippies californiens – est devenu à la mode chez les conservateurs. “Personne n’a sourcillé lorsque les Gwyneth Paltrow [actrice américaine qui a vanté la ‘raw food’, un régime composé uniquement d’aliments bio et crus, ndt] du monde entier ont commencé à parler de lait cru”, déclare Alex Clark, un podcasteur spécialisé dans le bien-être, adepte du produit, et suivi par plus de 400 000 abonnés sur Instagram, après polémique qui a suivi.

La transformation d’idées conservatrices réactionnaires en quelque chose d’esthétiquement attrayant sur les réseaux sociaux a parfois viré à la caricature. Ces dernières années, les “trad wives” (des femmes au foyer défendant des valeurs très conservatrices) – généralement des mères au foyer en milieu rural et religieuses qui se filment en train de cuisiner, de faire le ménage et, parfois, de se procurer leur propre lait cru auprès des vaches – ont acquis une popularité fulgurante. Mais ce n’est pas tout.

“Plusieurs influenceurs et podcasteurs “font savoir aux femmes comme nous qu’il est normal d’être conservatrice et de s’accrocher à nos valeurs””

Raquel Debono, une influenceuse basée à New York, dit qu’elle n’entre pas dans ces “catégories”. Elle a commencé à publier sur les réseaux sociaux pour montrer que “vous pouvez être une fille normale à New York et être une influenceuse normale dans tous les sens du terme”. Entre deux TikTok sur le fait que “c’est une bonne journée pour être MAGA [partisans du mouvement ‘Make America great again’, ndt]”, Raquel Debono, qui est canadienne et a expliqué ne pas pouvoir voter aux élections, raconte tout, de ses tenues à sa vie amoureuse. Elle organise des fêtes pour encourager d’autres jeunes républicains de la ville à “rendre l’Amérique à nouveau en vogue”.

Lors d’un de ces événements à Manhattan (code vestimentaire : “comme si vous alliez rencontrer votre futur mari ou future femme, car cela pourrait être le cas”), Zoe, une participante, a raconté avoir perdu des amis à cause de son vote pour Donald Trump, mais en a gagné de nouveaux ici. Elle énumère plusieurs influenceurs et podcasteurs qu’elle suit et qui “font savoir aux femmes comme nous qu’il est normal d’être conservatrice et de s’accrocher à nos valeurs”. Les médias traditionnels, “nous le savons tous, ne sont pas dignes de confiance”, déclare Meredith, une autre invitée. Les réseaux sociaux, en revanche, offrent un accès à des créateurs indépendants avec des “opinions impulsives ou, par exemple, des histoires nuancées”.

Kai Trump l’influenceuse

Elle n’est pas la seule. Près de quatre adultes américains de moins de 30 ans sur dix s’informent auprès d’influenceurs, selon le Pew Research Center. À la Maison-Blanche, les podcasteurs et les influenceurs sont reçus dans la salle de presse. La petite-fille du président, Kai Trump, âgée de 17 ans, a rassemblé des millions d’abonnés en réalisant des vlogs sur le golf, les cafés Starbucks et ses achats de robes pour les fêtes de fin d’année. Ses vidéos les plus populaires offrent un accès privilégié à des informations que le meilleur journaliste correspondant auprès du président ne saurait obtenir : “Regarder le lancement d’une fusée chez SpaceX avec Elon Musk !”, “Mon grand-père est redevenu président.”

The Economist

© 2025 The Economist Newspaper Limited. All rights reserved. Source The Economist, traduction Le nouvel Economiste, publié sous licence. L’article en version originale : www.economist.com.

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