par Lucas Hoffet
Depuis une dizaine d’années, la capitale française a fortement soutenu le développement d’un écosystème axé autour de l’innovation. Au point de devenir leader européen en termes de surface d’incubation et d’abriter deux des plus gros incubateurs mondiaux : Le Cargo (public) et la Station F (privé, financé par Xavier Niel). Une tendance qui ne semble pas près de ralentir. 100 millions d’euros seront encore investis jusqu’en 2020 pour soutenir les entreprises innovantes et les pépinières. Le bilan après dix années est incontestablement un succès quantitatif.
Pléthore d’investissements
C’est une ritournelle qui relèverait presque de la méthode Coué, faire de Paris et sa région la Silicon Valley à la française. Depuis dix ans, ce rêve agite et obnubile les exécutifs locaux. Selon les chiffres de la mairie de Paris, un milliard d’euros ont ainsi été investis en dix ans pour soutenir le développement de cette économie numérique.
“Selon les chiffres de la mairie de Paris, un milliard d’euros ont ainsi été investis en dix ans pour soutenir le développement de cette économie numérique.”
Entre 2008 et 2014 et seulement pour l’intra-muros, 100 000 m2 de pépinières d’entreprises et autres incubateurs sont sortis de terre. Un rattrapage bienvenu tant il est évident que Paris et sa région disposent d’atouts certains avec une concentration importante de sièges sociaux et de pôles universitaires et de recherche d’envergure mondiale. Portée par cette politique volontariste, la région capitale abrite désormais plus d’un tiers des start-up françaises, dont 50 % sont implantées dans Paris même. De plus, d’après l’agence du numérique, ces mêmes start-up concentrent 68 % des investissements.
Toujours les mêmes points faibles
Si le volontarisme politique à l’échelle de la ville de Paris ou de la région a permis l’émergence de véritables infrastructures, dans le classement des écosystèmes internationaux les plus favorables aux start-up, Paris ne se positionne toujours pas en haut du panier. Ainsi pour le Global Startup Ecosystem Ranking, la place parisienne arrive en 11e position mondiale, tandis que pour le European Digital City Index (2016), elle figure seulement à la 5e place européenne. Pour les deux classements, les points faibles identifiés sont similaires. Pour ce qui relève des facteurs endogènes, la capitale présente des coûts de fonctionnement (prix des bureaux, coût de la vie) plus importants que chez ses rivales européennes. Les rapports pointent aussi un maniement de l’anglais pas assez développé. Avec seulement 22 % de start-up en provenance de l’extérieur de la France, la scène parisienne est également moins diversifiée que dans le reste de l’Europe, où la moyenne de salariés étrangers travaillant dans les start-up est de 35 %. Mais c’est surtout sur deux aspects bien connus que la place parisienne pèche.
“La capitale présente des coûts de fonctionnement (prix des bureaux, coût de la vie) plus importants que chez ses rivales européennes”
Il faut 54 jours pour embaucher un ingénieur à Paris, quand cela prend en moyenne 47 jours dans le reste de l’Europe, explique le rapport GlobalStartup Ecosystème Ranking. Mais le point noir avancé reste la fiscalité, car “la France a tendance à avoir des impôts plus élevés que les autres pays européens”. Une caractéristique qui freinerait l’investissement privé. Dans une étude publiée à la fin de l’année 2017 par la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), le think tank libéral estime ainsi qu’en dépit d’un environnement favorable à l’innovation et l’entrepreneuriat, “la start-up française se retrouve bridée dans son développement. L’environnement de sortie est même pointé comme étant en France le plus critique”. Ainsi, les start-up américaines profitent de 8,3 fois plus de capital-risque que les françaises. Pour Jules Crepin, auteur de l’étude, “les phases de développement sont plus difficilement finançables en raison d’un manque de business angels au démarrage, et de grandes difficultés pour les start-up à mobiliser les 2 à 5 millions d’euros nécessaires à leur démarrage”. D’où l’importance des acteurs publics qui jouent le rôle de substitut aux investisseurs absents, tel la BPI. À Paris, la BPI et la mairie ont d’ailleurs développé le PIA (Paris innovation amorçage) pour aider les jeunes entreprises en phase de création et de lancement.
La politique du “tout start-up”
Reste que cette politique de soutien à l’innovation n’a pas les faveurs de tout le monde, même si pour le moment, les critiques demeurent à la marge. Dans une tribune publiée en mars 2018, l’essayiste Nicolas Baverez dénonce une politique du “tout start-up” de la part de la mairie de Paris. Ce soutien tous azimuts à l’innovation aurait remplacé une réflexion économique globale et ferait pointer le risque d’une bulle spéculative.
Le développement de grands pôles d’innovation au sein de la capitale se fait en effet parfois au détriment d’autres pôles de petite et grande couronnes, comme le note l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme), observant la recomposition territoriale induite par l’économie numérique et l’offre pléthorique de surface d’incubation disponible intra-muros.
“Nicolas Baverez dénonce une politique du “tout start-up” de la part de la mairie de Paris. Ce soutien tous azimuts à l’innovation aurait remplacé une réflexion économique globale et ferait pointer le risque d’une bulle spéculative”
Si le pari de créer un écosystème favorable à l’émergence de start-up a été réussi, le plus dur – à savoir le pérenniser, le développer pour que les investisseurs privés s’en saisissent – n’est pas encore acté.
Il n'y a pas que Paris en France.Pour désengorger la région parisienne il est nécessaire de créer dans d'autre secteur en France