Les propos de cet entretien ont été recueillis avant les premières frappes israéliennes sur l’Iran
Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le “gendarme nucléaire” mondial, plante deux fois son couteau dans la nappe blanche. “Ici, c’est Moscou, dit-il. Et là, c’est Kiev.” Puis il fait un geste entre les deux et marque Zaporijjia, une gigantesque centrale nucléaire ukrainienne qui fournissait un cinquième de l’électricité du pays, mais qui est désormais occupée par les soldats russes, ce qui en fait l’une des premières installations nucléaires civiles attaquées en temps de guerre.
La normalisation du nucléaire
“Les bombardements sont beaucoup plus intenses là-bas actuellement, et les Russes avancent rapidement”, explique Rafael Grossi, qui précise qu’une équipe mobile de l’AIEA est présente depuis 2022 afin d’éviter une nouvelle catastrophe comme celle de Tchernobyl. “C’est dangereux. Mais nous devons être sur place”, ajoute-t-il, révélant qu’il s’est lui-même rendu cinq fois là-bas, sous les tirs directs.
En l’écoutant, je ressens une dissonance cognitive. Nous nous sommes donné rendez-vous au Ristorante Sole, l’un des restaurants les plus chics de Vienne, un endroit paisible qui semble hors du temps, niché au milieu des élégantes rues baignées de soleil et bercé par le tintement des horloges anciennes.
Vladimir Poutine a menacé à plusieurs reprises d’utiliser les armes nucléaires. "C’est inquiétant, car cela normalise la situation; par le passé, c’était un sujet tabou"
Pourtant, la menace à laquelle est confronté Rafael Grossi, 64 ans, plane sur nous tous, même si nous l’ignorons généralement. C’est celle du risque qu’une catastrophe nucléaire, accidentelle ou volontaire, contamine certaines régions (au mieux) ou détruise la civilisation (au pire), comme le décrit Annie Jacobsen dans son récent best-seller ‘Nuclear War :A scenario’ [‘Guerre nucléaire : un scénario’, 2024, paru en français chez Denoël, ndt].
Ce risque s’explique en partie par l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, qui a placé les centrales nucléaires civiles en première ligne, alors que Vladimir Poutine a menacé à plusieurs reprises d’utiliser les armes nucléaires. “C’est inquiétant, car cela normalise la situation, admet Rafael Grossi dans un euphémisme magistral. Par le passé, c’était un sujet tabou, mais aujourd’hui, les gens parlent des armes nucléaires tactiques comme quelque chose de maîtrisable ou d’acceptable.”
M. Grossi doit également faire face à la Corée du Nord, qui dispose de l’arme nucléaire, aux tensions croissantes entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires, et à sa “plus grande préoccupation” : l’Iran. Selon un nouveau rapport confidentiel de l’AIEA, le pays a considérablement augmenté ses stocks d’uranium enrichi, à des niveaux avoisinant ceux que nécessite la fabrication d’armes nucléaires, tandis qu’Israël menace de l’attaquer [l’article original a paru le 6 juin dans le ‘Financial Times’, ndt]. Au début de l’année, le ‘Bulletin of the Atomic Scientists’ a déclaré que le monde n’était plus qu’à 89 secondes de minuit sur son horloge de l’apocalypse.
Mais il y a aussi une profonde ironie : alors que ces menaces existentielles s’aggravent, Rafael Grossi voit grandir l’enthousiasme pour l’énergie nucléaire, les décideurs politiques réalisant que ce pourrait être une puissante source d’énergie “verte” pour les technologies numériques. Ainsi, si le nucléaire présente un danger énorme, il offre également des perspectives extraordinaires. C’est à nos dirigeants politiques, ainsi qu’aux talents diplomatiques de M. Grossi, qu’il appartient désormais de choisir la voie à suivre.
Alors que nous nous asseyons pour déjeuner, je lui demande s’il est intimidé par cette responsabilité. Il hausse les épaules et esquive la question. “Je suis quelqu’un de calme. Je me concentre sur ce que je peux faire.”
Il a choisi ce restaurant parce qu’il adore l’Opéra situé à proximité et que la cuisine italienne lui rappelle ses origines. Bien qu’il soit né en Argentine, sa famille est originaire d’Italie, comme plus de la moitié de la population argentine.
Un fan de foot à l’Onu
Son apparence en témoigne : homme sec, Rafael Grossi porte un costume aussi élégant que ceux que l’on voit à Milan et, sous ses manches, il arbore des bracelets de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Il est fou de football, explique-t-il, et pour avoir vu l’Argentine remporter la victoire aux tirs au but, “[il] ne les enlèver[a] pas avant la prochaine Coupe du monde”. Comment fera-t-il si l’Argentine affronte l’Italie ? “Dans ce cas, je serai pour l’Argentine – mais sinon je suis supporter de l’Italie”, répond Rafael Grossi, qui parle espagnol, italien et quatre autres langues.
Dans tous les autres domaines de la vie, cependant, il évite tout esprit de clan, comme il sied à un diplomate de carrière. Après des études de sciences politiques, il a représenté l’Argentine dans de nombreuses missions, notamment en tant que chef de cabinet de l’AIEA et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Puis, en 2019, il est devenu le sixième directeur général de l’AIEA depuis sa création en 1957, supervisant quelque 2 500 employés.
“L’Onu se trouve actuellement dans une situation très difficile. L’idée initiale reste valable, mais l’organisation est devenue trop grande et bureaucratisée.”
Il est censé y rester encore deux ans, mais il me confie qu’il brigue le poste de secrétaire général des Nations unies, qui sera vacant l’année prochaine. “Je ne vais pas faire campagne, mon travail c’est ma campagne, déclare-t-il. L’Onu se trouve actuellement dans une situation très difficile. L’idée initiale reste valable, mais l’organisation est devenue trop grande et bureaucratisée, et elle est absente de la résolution des grandes crises internationales. Il n’y a pas de raison qu’il en soit ainsi.”
Mon invité a la bonne formation – et le bon carnet d’adresses. Il est arrivé avec deux téléphones portables. “Un pour le service et un pour ma vie privée, mais cela ne compte pas vraiment, car les dirigeants politiques veulent tous avoir accès à votre téléphone privé, dit-il en riant. Signal est également très populaire auprès des politiques, mais après ce qui s’est passé aux États-Unis [de hauts responsables américains ont accidentellement partagé des informations classifiées avec un journaliste via des messages Signal], qui sait ?”
Nous rions, et le propriétaire du restaurant, un Macédonien volubile appelé Aki Nuredini, arrive pour discuter du menu dans un italien rapide. Rafael Grossi note que des célébrités incluant aussi bien Bill Clinton que Plácido Domingo sont venues ici, mais admet “ne pas manger beaucoup au déjeuner” et “ne jamais boire d’alcool sauf le week-end”, car il est obsédé par sa forme physique.
Nous ignorons donc la carte des vins et, sur les conseils d’Aki Nuredini, décidons de partager un bar cuit au sel, des légumes grillés et une salade de tomates. Un bol de focaccia chaude, parsemée de romarin, apparaît. Je la grignote et la trouve délicieuse. Rafael Grossi n’y touche pas.
La centrale ukrainienne de Zaporijjia, sous contrôle
Pendant que nous attendons le poisson, il relève qu’il revient d’un voyage en Italie pour promouvoir l’énergie nucléaire civile. Il doit se rendre ensuite à Kiev et à Moscou pour discuter de Zaporijjia.
Cette centrale risque-t-elle provoquer un accident comme celui de Tchernobyl ? Ces derniers mois, Rafael Grossi s’est engagé dans une “diplomatie de la navette” [qui consiste à faire des allers-retours entre deux parties, ndt] avec Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, rencontrant “à plusieurs reprises” le président ukrainien et deux fois le président russe, tout en s’entretenant “longuement” avec l’équipe de ce dernier.
“Les Européens n’ont pas à s’inquiéter. Nous devons tenir bon jusqu’au cessez-le-feu, car d’ici là, tout peut arriver.”
Mais les progrès sont difficiles. Rafael Grossi explique que l’équipe de surveillance de l’AIEA à Zaporijjia s’est rendue sur place via l’Ukraine, afin de souligner sa souveraineté légitime, mais ce choix implique de traverser les lignes de front. “C’est spectaculaire : vous traversez un pont, vous marchez, puis vous grimpez à une corde, raconte-t-il. Je l’ai déjà fait… Mais selon les Russes, maintenant, si vous venez, vous serez probablement tué.” Par qui ? “On ne sait jamais vraiment qui tire”, répond-il diplomatiquement.
La “bonne” nouvelle, apparemment, c’est que la centrale, avec ses six turbines de 1 000 mégawatts, est “à froid”, c’est-à-dire “inactive” en langage technique. Ainsi, si elle est touchée, la contamination ne devrait pas se propager autant qu’après l’accident de Tchernobyl en 1986. “Les Européens n’ont pas à s’inquiéter”, assure M. Grossi. Cependant, le site contient des stocks qui, s’ils étaient touchés, pourraient fuir et contaminer la région. “Nous devons tenir bon jusqu’au cessez-le-feu, car d’ici là, tout peut arriver.”
La situation iranienne
Rafael Grossi est encore plus préoccupé par l’Iran. Sous l’administration Obama, Téhéran avait autorisé les inspecteurs de l’AIEA à accéder à ses sites nucléaires et accepté de lourdes restrictions sur ses ambitions nucléaires en échange de la levée de certaines sanctions américaines. Mais en 2018, pendant le premier mandat de Donald Trump, l’accord a été rompu, et le dernier rapport de l’AIEA réaffirme que l’Iran a restreint l’accès de ses inspecteurs et dispose désormais d’une énorme quantité d’uranium enrichi à 60 %, un taux qui ne cesse d’augmenter. “L’Iran ne possède pas l’arme nucléaire à l’heure actuelle, mais il dispose du matériel nécessaire.” Une bombe pourrait voir le jour très rapidement.
L’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, a rouvert les négociations. Mais les menaces d’Israël font que “la question iranienne présente un risque incroyable de tourner à la catastrophe. Si les négociations échouent, il en résultera très probablement une action militaire”.
“Je ne peux pas exprimer mes préférences [politiques], mais je peux dire que [Donald Trump] a déclenché des négociations là où il n’y en avait pas auparavant.”
Pire encore, une seule frappe chirurgicale ne suffirait pas à détruire les capacités nucléaires de l’Iran. “Les éléments les plus sensibles se trouvent à 800 mètres sous terre – je m’y suis rendu à plusieurs reprises, explique Rafael Grossi. Pour y arriver, il faut prendre un tunnel en spirale qui descend toujours plus profondément.”
Peut-il empêcher les Israéliens de lancer une attaque potentiellement “catastrophique” ? Rafael Grossi est rassuré que les Américains et les Iraniens soient au moins en pourparlers ; après notre rencontre, des informations suggèrent que Steve Witkoff aurait même esquissé les grandes lignes d’un accord. Mais depuis, Donald Trump et le guide suprême iranien ont tous deux tenu des propos belliqueux.
De nombreux détracteurs du président affirment que Steve Witkoff, ancien promoteur immobilier, n’a pas les qualifications requises. Mais Rafael Grossi n’est pas de cet avis. “J’ai déjà vu des cas où il fallait convaincre des pays d’accepter de négocier. Mais ce n’est pas le cas ici : les discussions sont très sérieuses, affirme-t-il. [Steve] Witkoff est quelqu’un d’extrêmement sérieux, je ne souscris pas à l’opinion contraire. Je ne peux pas exprimer mes préférences [politiques], car je travaille à la fois avec des démocrates et des républicains, mais ce que je peux dire, c’est que [Donald Trump] a déclenché des négociations là où il n’y en avait pas auparavant, ce qui est objectivement louable.”
Arbitre et gendarme du nucléaire
Ce sentiment semble être réciproque. Depuis son arrivée au pouvoir, l’équipe Trump a tenté de saper bon nombre d’agences des Nations unies, voire de les priver de financement. Mais l’AIEA a été épargnée, soit parce que Donald Trump accorde la priorité à la menace, soit parce qu’il souhaite encourager l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins civiles. Ou les deux. De toute façon, Rafael Grossi reste déterminé à dialoguer avec tout le monde, même si certains lui reprochent les actions de leurs ennemis. “Les Coréens me décrivent comme un requin”, dit-il. M. Grossi est controversé dans cette région, car la Corée du Sud n’aime pas que l’on discute de la bombe nord-coréenne.
La Chine s’est également montrée furieuse lorsque, en 2023, le Japon a commencé à rejeter dans la mer les eaux traitées de la centrale nucléaire de Fukushima où a eu lieu l’accident – un différend que Rafael Grossi a en partie résolu en faisant appel à des inspecteurs chinois à Fukushima.
“30 pays pourraient disposer d’armes nucléaires du fait de leur développement technique, mais ils ne sont que 9.”
Notre poisson arrive sous un spectaculaire dôme de sel enflammé. Un serveur en prélève les filets et les dispose dans nos assiettes, arrosés d’un peu d’huile d’olive. Il est frais et subtilement parfumé, tout comme les légumes grillés.
Je demande à mon invité quel est son poids dans ce genre de négociations. Il répond que son rôle est celui d’un arbitre : aucune promesse n’a de crédibilité sans un rapport de l’AIEA. Autant dire qu’il est constamment en déplacement. “Je paie le prix fort, dans ma vie, avec un divorce”, observe-t-il. Il a sept filles et un fils issus de deux mariages. “Que de femmes ! Vous n’avez pas appris la diplomatie ?” Il rit.
Le seul dirigeant au monde qui refuse de parler à M. Grossi est sans doute Kim Jong Un, à la tête de la Corée du Nord. “Ils nous ont expulsés en 2009. Mais nous inspections auparavant ces installations, nous savons donc que la Corée du Nord possède des armes nucléaires, entre 60 et 70 ogives environ.” Les risques de base en matière de sécurité le préoccupent profondément, car “ils n’ont aucune interaction avec qui que ce soit”. Il craint également qu’un acte accidentel ou délibéré conduise à une catastrophe, comme dans le scénario que décrit ‘Nuclear War’, où des malentendus détruisent la planète en quelques heures.
A-t-il lu ce livre ? “Non. Mais j’ai entendu dire qu’il était assez réaliste.” Alors comment dort-il la nuit ? Rafael Grossi pousse son poisson dans son assiette et souligne que la diplomatie a permis d’éviter jusqu’à présent un tel scénario.
“Aujourd’hui, trente pays pourraient disposer d’armes nucléaires du fait de leur développement technique, mais ils ne sont que neuf.” Il sait que ce nombre risque d’augmenter : si l’Iran se dote de la bombe, “cela pourrait entraîner une réaction en chaîne au Moyen-Orient” ; si Donald Trump retire ses garanties de sécurité à l’Europe, la Pologne pourrait suivre le mouvement. “C’est extrêmement dangereux, estime-t-il. Mais je crois qu’au fond il y a toujours une part de rationalité — jusqu’à présent, il y a toujours eu un moment [où s’arrêter] avant qu’il ne soit trop tard. Mais il faut des interlocuteurs.”
Serait-il naïf ? Peut-être pas. Rafael Grossi est devenu diplomate dans les années 1980, juste après que les dirigeants militaires argentins ont été contraints de démissionner – et ont choqué le monde entier en révélant l’existence d’un programme nucléaire secret en Patagonie. L’Argentine et le Brésil avaient déjà entamé une course à l’armement. Mais contre toute attente, une diplomatie habile a sauvé la situation. “Il y a eu un moment spectaculaire lorsque le président argentin a invité le président brésilien dans les installations secrètes, se souvient-il. C’était incroyable, comme si [Benyamin] Netanyahu invitait les Palestiniens.” Rafael Grossi a donc décidé de consacrer sa vie à la non-prolifération, passant un an à travailler dans l’industrie nucléaire avant de s’engager dans la voie qui le conduirait à l’AIEA.
Le nucléaire civil dans l’ère du temps
On débarrasse nos assiettes et on nous propose un dessert, que nous déclinons. Mon invité commande un thé à la menthe et je prends un double expresso.
Pour détendre l’atmosphère, je l’interroge sur le second volet de son travail : la promotion de l’usage civil d’une énergie nucléaire sûre, ou “l’atome pour la paix”, selon le slogan de l’AIEA. Jusqu’à récemment, le pari semblait presque aussi difficile que de lutter contre la prolifération, car à la fin du XXe siècle, des groupes tels que Campaign for Nuclear Disarmament [CND, “Campagne pour le désarmement nucléaire”, groupe militant britannique, ndt] s’opposaient farouchement à l’énergie nucléaire. Par conséquent, l’Allemagne – et, ironiquement, l’Autriche, siège de l’AIEA – ont rejeté la technologie nucléaire. D’ailleurs, lorsque j’ai rencontré M. Grossi pour la première fois, lors des négociations climatiques de l’Onu à Glasgow, en 2021, c’est sous les huées des militants écologistes que, sur scène, il m’a répondu. “Ils se sont moqués de ce que j’ai dit, vous vous souvenez ?”
“Les jeunes générations sont très sensibilisées aux questions environnementales et sont très axées sur la technologie.”
Mais Donald Trump vient de publier une série de décrets qui renforcent le recours à l’énergie nucléaire en Amérique, et même l’Allemagne assouplit son opposition. Pourquoi ? L’un des facteurs est que les progrès technologiques, tels que ceux développés par Bill Gates, commencent à résoudre le problème des déchets nucléaires. Un autre facteur est l’avènement de centrales plus petites et moins coûteuses, du nom de “petit réacteur modulaire” (PRM). Un troisième facteur est la prise de conscience croissante parmi les politiques qu’il sera difficile de décarboner rapidement sans recourir à l’énergie nucléaire. Quatrième facteur : la jeune génération semble avoir une opinion plus positive de ce secteur que ma génération, qui a grandi en lisant des livres dystopiques comme ‘Quand souffle le vent’ [bande dessinée de Raymond Briggs qui met en scène un couple de Britanniques âgés face à une guerre nucléaire, ndt].
Est-ce parce que le souvenir des bombes atomiques de Hiroshima s’est estompé ? Rafael Grossi secoue la tête. “Les jeunes générations sont très sensibilisées aux questions environnementales et sont très axées sur la technologie.” L’AIEA s’appuie sur cette tendance : elle a récemment pris l’initiative, autrefois inimaginable, de recruter des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont le mannequin brésilien Isabelle Boemeke, pour promouvoir l’énergie nucléaire.
De l’énergie pour la big tech
Par ailleurs, les entreprises de la big tech, tels Microsoft, xAI d’Elon Musk et OpenAI de Sam Altman, adoptent également cette technologie, car elles ont besoin d’énormes quantités d’électricité pour alimenter leurs centres de données. Les sources d’énergie renouvelables telles que le solaire offrent une option bon marché et en pleine expansion. Mais le nucléaire présente une échelle et une fiabilité bien supérieures, même si son coût est beaucoup plus élevé. “Pour la première fois, nous assistons à une hausse de la demande [du secteur privé], et pas seulement de celle des gouvernements et des services publics, note M. Grossi, ajoutant que l’une des caractéristiques des géants libertariens de la tech est qu’ils veulent se détacher du réseau commun. Ils veulent tous leurs propres centrales, rien qu’à eux !”
Les géants libertariens de la tech veulent se détacher du réseau commun. "Ils veulent tous leurs propres centrales, rien qu’à eux !"
L’histoire de Rafael Grossi sur la centrale de Zaporijjia me revient à l’esprit, et je me demande si cet engouement pour l’énergie nucléaire civile ne revient pas à augmenter encore la menace. Lors de la COP 2019, Rafael Grossi a répondu à cette objection en soulignant que le nombre de victimes d’accidents nucléaires civils était jusqu’à présent très faible, même en incluant Tchernobyl. C’est un argument de poids : les êtres humains sont mauvais pour évaluer les risques et les avantages de manière rationnelle, et jusqu’à présent, les décès liés à l’usage civil du nucléaire ont en effet été négligeables par rapport à ceux causés par la pandémie ou le changement climatique.
Mais M. Grossi sait aussi que cet argument logique – statistique – ne suffit pas. Il prévoit donc une autre innovation : cette année, l’AIEA organisera son premier dialogue avec les plus grandes entreprises du secteur privé pour discuter du nucléaire et de l’IA. “Regardez les Sept Sœurs [surnom donné aux sept compagnies pétrolières transnationales formant l’Anglo-Persian Oil Company, qui a opéré jusqu’en 1955, ndt], dit-il. Nous voulons quelque chose de ce genre.”
L’initiative paraît intelligente, me dis-je en recevant l’addition, non seulement pour gérer les risques nucléaires, mais aussi pour aider Rafael Grossi dans sa candidature à la tête de l’Onu. Donald Trump le soutiendrait-il dans cette fonction ? “Je l’espère, répond-il. J’espère que tout le monde le fera !”
Mais il sait, comme moi, que tout progrès est extrêmement fragile. “Bonne chance !” lui dis-je quand nous nous quittons près de l’Opéra. Il s’éloigne sous un soleil radieux et consulte immédiatement ses téléphones.
Annagasse 8-10, 1010, Vienne
Bar cuit au sel et ses légumes grillés : 85,36 euros
Salade de tomates : 9,50 euros
Focaccia : 7 euros
Eau gazeuse : 7,50 euros
Thé à la menthe : 5 euros
Double expresso : 5,50 euros
Total : 119,86 euros
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