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La France en bien meilleure santé que les États-Unis

Son système de santé est exemplaire à plus d’un titre, même s’il est sous pression

La France en bien meilleure santé que les États-Unis © Freepik

La France consacre moins de moyens à la santé que les États-Unis, mais selon la plupart des indicateurs, elle se porte bien mieux. Ses dépenses totales de santé, qui représentent 12,1 % du PIB, sont bien inférieures aux 16,6 % des États-Unis. Pourtant, les Français vivent en moyenne six ans de plus que les Américains. Le taux de mortalité par crise cardiaque en France est trois fois moins élevé qu’aux États-Unis, idem pour le taux d’obésité ; quant au risque de mourir à cause des opiacés, il est infime.

Pas de “désert alimentaire” en France

La France surpasse également ses homologues européens à de nombreux égards. Elle affiche un taux de mortalité par cancer du sein inférieur à celui de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne. L’espérance de vie à 65 ans y est plus élevée que dans tous les autres pays de l’UE, à l’exception de l’Espagne, pays avec lequel elle est à égalité. La France affiche également le meilleur taux de survie après une crise cardiaque de tous les pays de l’OCDE, juste derrière le Japon et la Corée du Sud, et à égalité avec les Pays-Bas.

Le mode de vie compte plus que les budgets élevés de l’État consacrés à la santé pour expliquer la plus longue espérance de vie des Français.

Comment la France y parvient-elle ? Une partie de l’explication réside dans ses habitudes culturelles. En effet, selon Gaetan Lafortune, économiste de la santé à l’OCDE, le mode de vie compte plus que les budgets élevés de l’État consacrés à la santé pour expliquer la plus longue espérance de vie des Français. Dans les écoles publiques françaises, même les plus jeunes enfants s’assoient pour prendre un repas composé de trois plats. Prenons, par exemple, un menu récent dans des écoles primaires de Seine-Saint-Denis, une banlieue défavorisée de Paris : il comprend une soupe de légumes, un filet de cabillaud accompagné de petits pois et des fruits frais ; on y trouve des frites qu’une fois par mois. Aux États-Unis, jusqu’à 17 % de la population vit dans des “déserts alimentaires”, avec un accès limité ou inexistant aux produits frais. Un chercheur français a constaté en 2021 que ce concept n’existe pas vraiment en France.

Une couverture santé hybride mais coûteuse pour l’État

La couverture santé complète imposée par l’État est un autre facteur explicatif. Le système français repose à la fois sur une assurance maladie publique nationale, qui rembourse en moyenne 70 % des frais médicaux aux patients, et une assurance maladie privée mutualisée, qui couvre la majeure partie du reste à charge. Les employeurs doivent fournir cette assurance complémentaire à leurs employés. Les travailleurs indépendants et les retraités souscrivent aux leurs. Une mutuelle coûte en moyenne 1 540 euros (1 745 dollars) par an pour une famille, soit beaucoup moins que les 22 500 euros (25 570 dollars) pratiqués aux États-Unis. Quant aux personnes à faibles revenus, leurs dépenses de santé sont prises en charge par l’État.

Une mutuelle coûte en moyenne 1 540 euros par an pour une famille, soit beaucoup moins que les 22 500 euros pratiqués aux États-Unis.

Les coûts médicaux sont maîtrisés grâce à l’instauration de plafonds fixés par le gouvernement pour les honoraires de la plupart des médecins généralistes, qui sont indépendants, ainsi que pour les hôpitaux privés sous contrat qui fournissent 35 % des soins hospitaliers. La part des frais de santé que les familles doivent payer de leur poche ne représente en moyenne que 2 % des dépenses des ménages en France. Ce chiffre est inférieur à celui de la Grande-Bretagne (2,5 %), malgré son système de santé public gratuit.

Ce système hybride aide également les patients français à bénéficier de traitements complets. La France réalise par exemple deux fois plus de scanners, de TEP ou d’IRM par habitant que la Grande-Bretagne. Les rendez-vous ne sont pas rationnés par une bureaucratie centralisée. Grâce à la start-up tech Doctolib, utilisée chaque année par 50 millions de patients français, il est possible de prendre rendez-vous en ligne en quelques clics chez la plupart des médecins généralistes, des spécialistes et des laboratoires.

Le problème, c’est que tout cela a un coût. Les dépenses totales de santé en France, qui s’élèvent à 266 milliards d’euros, représentent une part du PIB (12,1 %) plus élevée que dans tout autre pays de l’OCDE, à l’exception des États-Unis et de l’Allemagne. Même en excluant les dépenses liées à la pandémie, les dépenses publiques de santé en France ont dépassé l’inflation entre 2019 et 2025. Pourtant, le ministre français des Finances, Éric Lombard, affirme qu’il faut désormais réaliser 40 milliards d’euros d’économies dans le secteur public, dont une partie dans la santé, afin de ramener le déficit du pays à un niveau, encore trop élevé, de 4,6 % du PIB en 2026.

Pénurie de médecins et surcharge des urgences

Cette nouvelle pression intervient alors que le système de santé est déjà confronté à une triple contrainte. La première est due à une pénurie de jeunes médecins. Pendant des décennies, le gouvernement a plafonné le nombre d’étudiants en médecine. Le président Emmanuel Macron a aboli cette règle en 2019. Mais il faudra une décennie pour que les effectifs se rétablissent. Près d’un tiers des médecins généralistes en France ont plus de 60 ans. Ceux qui partent en retraite ont du mal à trouver des jeunes pour reprendre leur cabinet. Un médecin généraliste de 70 ans, près de Paris, explique qu’il est sorti de sa retraite pour exercer à temps partiel afin d’aider ses patients.

Entre 1996 et 2023, le nombre annuel de visites aux urgences a doublé, passant de 10,1 millions à 20,9 millions. 72 % d’entre elles n’étaient “ni très graves ni urgentes”, selon la Cour des comptes.

Cette pénurie a exacerbé un deuxième problème : la surcharge des services d’urgence des hôpitaux. La France dispose de plus de lits d’hôpitaux et de lits de soins intensifs par habitant que la moyenne de l’OCDE. Mais ces dernières années, elle a supprimé des lits dans le cadre d’une stratégie visant à rationaliser les hôpitaux et à privilégier la chirurgie ambulatoire. Pourtant, le nombre de patients se présentant aux urgences a explosé. Entre 1996 et 2023, le nombre annuel de visites aux urgences a doublé, passant de 10,1 millions à 20,9 millions. De plus, 72 % d’entre elles n’étaient “ni très graves ni urgentes”, selon un rapport de la Cour des comptes, l’organisme national de contrôle des finances publiques, publié en 2024. Certains médecins hospitaliers se sont mis en grève pour protester. En février, les urgentistes de l’hôpital public de Perpignan ont dénoncé une surcharge “plus que critique”, affirmant qu’ils manquaient de personnel pour former des équipes complètes.

Déserts médicaux et gaspillage

La troisième difficulté est celle des “déserts médicaux”. Les médecins ont tendance à choisir de s’installer dans les métropoles, les villes pleines de charme et dans les stations balnéaires, laissant l’intérieur du pays, plus rural, sans couverture médicale décente. Les délais d’attente pour consulter un ophtalmologue, par exemple, varient de six jours dans certaines régions à 123 jours dans d’autres, selon un rapport du Sénat de 2024. Le gouvernement offre des primes pour encourager les médecins à s’installer dans des zones peu prisées. Certains maires de villages et de grands hôpitaux publics, dont l’un dans un quartier difficile de Marseille, ont mis à disposition des locaux pour attirer des médecins généralistes. Mais la géographie médicale fragmentée de la France s’avère difficile à modifier.

La France, note la Cour des comptes, “est l’un des derniers pays de l’OCDE à rembourser les cures thermales sans bénéfice médical prouvé”, pour un montant de 250 millions d’euros en 2023.

Conscient de ces problèmes, le gouvernement tente d’alléger la pression et de réduire le gaspillage. Catherine Vautrin, ministre de la Santé, vient par exemple de renforcer les règles relatives à la prescription de pansements remboursés par la sécurité sociale [la prescription est désormais limitée à 7 jours, mais renouvelable, ndt], afin d’économiser les 740 millions d’euros dépensés chaque année à ce seul titre. Mais ces sommes sont dérisoires par rapport au budget global de la santé. Les vieilles habitudes ont la vie dure. Les Français restent de fervents consommateurs de médicaments ; leurs médecins prescrivent toujours plus d’antibiotiques que leurs homologues étrangers. La France, note sévèrement la Cour des comptes, “est l’un des derniers pays de l’OCDE à rembourser les cures thermales sans bénéfice médical prouvé”, pour un montant de 250 millions d’euros en 2023.

Victime de son succès

D’une certaine manière, le système de santé français est victime de son succès. “En raison des très bons indicateurs historiques et du sentiment que la France dispose de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, ces nouvelles pressions font l’effet d’un choc”, explique Francesca Colombo, responsable de la division Santé de l’OCDE. Habitué à l’excellence, le pays s’attendait à ce qu’elle se maintienne et il est mal préparé aux restrictions budgétaires à venir, nécessaires pour lutter contre le gaspillage et les abus.

The Economist

© 2025 The Economist Newspaper Limited. All rights reserved. Source The Economist, traduction Le nouvel Economiste, publié sous licence. L’article en version originale : www.economist.com.

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