Mauvaise contre-attaque

Les histoires de choux et de carottes de la SNCF

Son coût total pour les contribuables dépasse les 20 Mds€ d’euros annuels, chiffrage que conteste fort maladroitement sa direction

Les histoires de choux et de carottes de la SNCF ©SIPA

Mécomptes publics,
François Ecalle

Les régions et Ile-de-France Mobilités ont financé les dépenses de fonctionnement des TER et du Transilien à hauteur de 7,2 Mds€ en 2023. L’État a financé à hauteur de 3,2 Mds€ les coûts d’exploitation du réseau de proximité ainsi que les coûts de fonctionnement des trains Intercités et des transports de fret. Par l’intermédiaire de l’État et des autorités régionales, les contribuables ont donc payé 10,4 Mds€ à la SNCF pour financer une partie de ses dépenses de fonctionnement.

L’État et les autorités régionales ont en outre subventionné les investissements dans le réseau et le matériel ferroviaires à hauteur de 6,8 Mds€ en 2023. La charge des intérêts des dettes de la SNCF reprises par l’État s’est établie à 0,9 Md€.

“Le coût total de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) était de 20,3 Mds€ en 2023. Cette charge s’ajoute au prix payé par les usagers pour acheter des billets de train”

Le coût de la SNCF pour les contribuables, hors protection sociale des cheminots et après déduction des dividendes versés à l’État (1,0 Md€), était ainsi de 17,1 Mds€ en 2023 (16,8 Mds€ en 2022).

L’État verse enfin une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots dont le coût budgétaire était de 3,2 Mds€ en 2023.

Le coût total de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) était donc de 20,3 Mds€ en 2023 (20,0 Mds€ en 2022). Cette charge s’ajoute au prix payé par les usagers pour acheter des billets de train. À l’exception du transport de fret, la part de marché des concurrents de la SNCF était encore marginale en 2023 et il s’agit donc bien pour la quasi-totalité de dépenses publiques en faveur de la SNCF.

Addition légitime

Presque chaque année, la direction de la SNCF conteste ce calcul au motif que je “ne fais qu’additionner des choux et des carottes”. Elle semble donc ignorer qu’il est possible, et parfois nécessaire, d’additionner le coût en euros des choux et des carottes. Elle semble aussi ignorer que le budget de l’État additionne des salaires, des subventions, des prestations sociales, des intérêts, des investissements… et que tous ces choux et carottes sont indistinctement financés par des impôts (ou des emprunts). Cette ignorance serait grave.

“Ces 20 Mds€ de dépenses publiques sont bien justifiés par les avantages sociaux et économiques du transport ferroviaire. C’est ce que la direction de la SNCF devrait essayer de démontrer sérieusement”

La même addition a d’ailleurs été faite dans un rapport demandé par le Premier ministre à Jean-Cyril Spinetta en 2018 et dans un rapport d’information du Sénat en 2022.

Il est normal que l’État, ou les collectivités locales, subventionne le transport ferroviaire, notamment parce que les infrastructures ferroviaires sont très lourdes et difficiles à rentabiliser et parce que le transport ferroviaire émet moins de carbone que le transport routier. Tous les pays le font mais les subventions par kilomètre et passager en faveur des services dits conventionnés (TER, Transilien et Intercités) sont plus élevées en France que dans les autres pays européens. On peut donc se demander si ces 20 Mds€ de dépenses publiques sont bien justifiés par les avantages sociaux et économiques du transport ferroviaire. C’est ce que la direction de la SNCF devrait essayer de démontrer sérieusement au lieu de ressasser des histoires de choux et de carottes.

Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.

Réutiliser cet article
Cet article est une œuvre protégée. Son utilisation donne lieu à des droits d’exploitation et de rediffusion interne et externe. Nous consulter.

L'article ne possède pas encore de commentaires !