Diversification de patrimoine

Charmes et craintes des cryptomonnaies

Les profils d’investisseurs se diversifient sur ce qui est devenu un produit d’investissement comme un autre, même si la circonspection demeure

Charmes et craintes des cryptomonnaies © Freepik

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L’année 2025 s’annonce comme un tournant pour les cryptomonnaies. La régulation des plateformes du secteur par la réglementation européenne a envoyé un bon signal. Même le profil des investisseurs évolue pour s’ouvrir aux plus de 40 ans. Et l’intérêt du public reste fort, tout comme celui des politiques. Néanmoins, les cryptomonnaies peinent encore à s’imposer comme un investissement aussi fiable que les plus traditionnels assurances-vie ou placements en bourse. Les arnaques sont encore nombreuses et leur usage en tant que moyen de paiement au quotidien est à améliorer.


Les années passent et les cryptomonnaies continuent de fasciner autant qu’elles interrogent. La création d’une “réserve stratégique de bitcoins” aux États-Unis, en mars 2025, a suscité un certain enthousiasme. La viabilité de cette crypto reste un point d’interrogation, mais l’effet d’annonce est réussi. D’ailleurs, Donald Trump n’est pas le seul politique à s’intéresser de près à ces actifs numériques. Lors de la campagne des élections européennes, en juin 2024, plusieurs députés candidats ont intégré les cryptos dans leur programme. Ils prônaient soient une régulation plus stricte, soit une ouverture à l’innovation. L’écologiste Yannick Jadot, par exemple, proposait la création d’un label européen des cryptomonnaies respectueuses de l’environnement. De son côté, Marine Le Pen s’est prononcé en faveur d’un contrôle renforcé des plateformes d’échange.

En France, 5,5 millions de personnes détiennent des cryptomonnaies (étude AMF, avril 2024).

Cet intérêt n’est pas uniquement politique. Ainsi, la Banque centrale européenne a accéléré ses travaux sur l’euro numérique. Son lancement expérimental est prévu pour 2026 afin de garantir la souveraineté monétaire de l’euro. Cette décision s’explique par le nombre croissant de propriétaires de cryptomonnaies, même si les usages restent limités (cf encadré 1). En France, 5,5 millions de personnes en détiennent, selon une étude de l’Autorité des marchés financiers (AMF) publiée en avril dernier. Cependant, ce chiffre est en légère baisse. En 2023, 6 millions de détenteurs étaient comptabilisés après une flambée du bitcoin. Paradoxalement, l’intérêt pour les cryptos n’a jamais faibli. D’après une étude de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan) réalisée pour le cabinet KPMG en février 2025, près d’un Français sur trois envisage d’en acquérir en 2025. Une croissance de 12 % par rapport à l’année précédente, selon cette enquête.

L’AMF contre les arnaques

Ce potentiel d’adoption reste toutefois freiné par plusieurs facteurs. “Le problème des cryptos est qu’on en entend parler quand ça va très bien ou très mal. À chaque cycle, il y a de nouveaux investisseurs qui ne sont pas toujours avertis”, constate Hadrien Miara, expert cryptomonnaies du site d’information Finance Héros. L’année 2024 a été marquée par une recrudescence des arnaques liées à ces monnaies électroniques. L’AMF a recensé 3 000 plaintes pour escroquerie. Ce record est dû notamment à un manque d’éducation financière. Les arnaqueurs sont toujours à la pointe des tendances et les cryptos n’échappent pas à la règle. Les pyramides de Ponzi, où les nouveaux investisseurs paient les gains des anciens, se sont multipliées, s’appuyant sur des offres de trading en ligne automatisé de cryptos. Elles sont souvent relayées par des influenceurs peu scrupuleux sur Instagram, TikTok ou dans des boucles Telegram. “Il serait opportun d’imposer que toute plateforme promouvant des investissements puisse justifier auprès de la plateforme de diffusion d’un enregistrement ou d’une régulation dans son pays d’origine. Cela permettrait d’élever le niveau de transparence et de protection des investisseurs”, propose l’avocat Arnaud Touati, fondateur du cabinet #Hashtag Avocats.

L’enregistrement auprès de l’AMF est devenu obligatoire pour tous les acteurs proposant l’achat, la vente, l’échange d’actifs numériques et les conservant.

Pour aider les potentiels investisseurs à s’y retrouver, la loi Pacte du 22 mai 2019 a encadré les “prestataires sur actifs numériques” grâce à un agrément spécifique : le PSAN. L’enregistrement auprès de l’AMF est devenu obligatoire pour tous les acteurs proposant l’achat, la vente, l’échange d’actifs numériques et les conservant. “Il apporte une marque de confiance supplémentaire, même s’il existe encore des acteurs mal intentionnés”, confirme Alexis Boeglin, COO de la plateforme CrypCool, elle-même titulaire de cet agrément. Cet agrément PSAN peut être retiré à tout moment mais à ce jour, seule la plateforme Bykep a été radiée, le 27 septembre 2022. Une enquête de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a identifié des dysfonctionnements importants comme des défaillances dans le dispositif de lutte anti-blanchiment, la méconnaissance de la clientèle et l’absence d’outils adapté de suivi des opérations.

Des listes noires européennes

En juin 2024, l’AMF a établi une liste noire des plateformes de crypto-actifs. Elle complète le registre public des prestataires de services sur crypto-actifs non conformes tenu par l’Autorité bancaire européenne. L’ensemble des sites de conservation, d’échange ou d’achat/vente d’actifs numériques ne disposant pas de l’enregistrement PSAN, ainsi que ceux n’ayant pas obtenu le visa de l’AMF pour une offre au public de jetons (ICO pour Initial Coin Offering) y sont indexés. “Cette liste gagnerait à être mieux référencée sur les moteurs de recherche et rendue plus accessible. Un investisseur ne devrait jamais pouvoir entrer en relation avec une plateforme illicite sans en avoir été dûment averti par l’AMF en amont”, estime l’avocat expert du Web 3.

Désormais, les cryptomonnaies sont perçues comme des compléments à l’immobilier, à l’assurance-vie ou encore aux actions.

L’arsenal réglementaire européen a aussi été renforcé. Le règlement Markets in Crypto-Assets (MiCa), entré en vigueur le 30 décembre 2024, impose des nouvelles contraintes aux plateformes et aux émetteurs de cryptomonnaies. Ces acteurs doivent obtenir une autorisation pour réceptionner et transmettre des ordres sur crypto, donner du conseil et gérer les portefeuilles d’investisseurs, par exemple. Si ces plateformes veulent être agréées et donc continuer leurs activités en Europe, elles ont l’obligation de disposer de réserves en fonds propres avec un ratio de 1/1 et en partie sous forme de dépôts. Ainsi, les détenteurs de stablecoins, c’est-à-dire des cryptomonnaies à la valeur stable, peuvent à tout moment se faire rembourser gratuitement.

Des profils d’investisseurs encore stéréotypés

Malgré ces avancées, le portrait-robot de l’investisseur en crypto reste fidèle à certains clichés. Il s’agit encore majoritairement d’un homme de moins de 35 ans, urbain, diplômé, passionné de nouvelles technologies et issu d’une catégorie sociale supérieure. En France, 62 % des détenteurs sont des hommes et 54 % ont moins de 35 ans, selon l’étude Adan pour KPMG. Phénomène émergent : “on remarque qu’une population de plus de 40-45 ans achète dans un souci de transmission plus que d’investissement”, ajoute Alexis Boeglin, COO de CrypCool.

“La volatilité du bitcoin tend à diminuer, les investisseurs cherchent donc plus de performance en diversifiant sur d’autres monnaies”

La transmission d’un patrimoine numérique, moins imposé qu’un patrimoine en propre, n’est pas la seule explication à investisseurs plus âgés (cf encadré 2). “Des personnes qui ont du patrimoine s’intéressent aux cryptos comme des actifs de diversification”, explique Hadrien Miara. Désormais, les cryptomonnaies sont perçues comme des compléments à l’immobilier, à l’assurance-vie ou encore aux actions. Néanmoins, “elles ne peuvent pas être un produit d’épargne au sens du Livret A, les cryptomonnaies n’ont pas cette vocation”, prévient l’expert de Finance Héros. De plus, l’absence d’une offre entièrement dédiée à ces actifs de la part des établissements bancaires traditionnels reste un frein. Les banques, à l’exception de la BNP Paribas et de la Société Générale, demeurent frileuses face à la volatilité des cryptos et aux risques réputationnels associés à ces actifs. Résultat, des plateformes décentralisées comme Binance, Kraken ou Revolut dominent le marché hexagonal.

Diversifier sur plusieurs cryptos

Quelle que soit la vocation de l’investissement, le bitcoin reste la plus populaire parmi les milliers de cryptomonnaies existantes. 87 % des investisseurs français en détiennent, selon le site d’information CoinGecko. Les profils dits “maximalistes”, dans le jargon des crypotos, investissent d’ailleurs uniquement dans le bitcoin, convaincus de sa supériorité. “La volatilité du bitcoin tend à diminuer, les investisseurs cherchent donc plus de performance en diversifiant sur d’autres monnaies”, tempère Alexis Boeglin. Les essors de l’ethereum, du solana ou du ripple témoignent de cette diversification. D’autres investisseurs choisissent les meme coins, des cryptos plus spéculatives où l’aspect communautaire est important. De leurs côtés, les stablecoins, sont perçus comme moins attractifs en termes de rendements car ils sont adossés à des devises comme le dollar américain et l’euro.

Delphine Iweins

Déclarer ses cryptomonnaies aux impôts

Depuis 2023, les personnes détenant des crypto-actifs doivent le déclarer auprès de l’administration fiscale. Dans un premier temps, si les cryptomonnaies se situent sur un compte ou une plateforme étrangère, il est impératif de les déclarer en remplissant le formulaire 3916-3916-BIS. Le montant détenu sur ce compte n’y change rien. Attention, il est nécessaire de remplir autant de formulaires que de nombre de plateformes sur lesquelles sont conservés les actifs numériques. Une amende de 750 euros par compte est prévue en cas de non-déclaration. La suite de la déclaration dépend si en 2024 ou non. Si ce n’est pas le cas, il n’y a rien à faire de plus.

Si des ventes de cryptomonnaies contre des euros ont été réalisées dans l’année précédente, les montants des ventes sont à indiquer dans “la déclaration annexe n°2086 de votre déclaration de revenus en ligne”, indique le site des impôts pour la déclaration des revenus 2024. L’imposition de ces ventes est alors calculée en fonction de leur montant (à partir de 305 euros) et de la réalisation éventuelle d’une plus-value. “Ce qui pose problème, c’est la formule de plus-value qui se base sur l’ensemble du portefeuille de cryptos”, estime Hadrien Miara, expert cryptomonnaies de Finance Héros. Plusieurs sites comme Walto ou CryptoAst proposent des simulateurs afin de calculer automatiquement cette plus-value, ce qui évite une erreur.

Les plus-values sont imposées au titre du prélèvement forfaitaire unique de 30 %, dont 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % d’impôt forfaitaire. Néanmoins, il est possible de renoncer à cette flat tax et opter pour le barème progressif de l’impôt.

Cryptomonnaies, un moyen de paiement comme un autre ?

En avril dernier, Toulouse est devenu la première ville d’Europe à accepter des paiements en cryptomonnaies pour les trajets sur son réseau de transports Tisséo. Plus largement, dans tout l’Hexagone, les commerces, restaurants et bars commencent aussi à s’y mettre. En novembre 2024, la chaîne de magasins Printemps a franchi le pas. Elle propose de régler les achats en bitcoins, ethereums et stablecoins. Un mois plus tard, en décembre 2024, la compagnie aérienne Corsair s’inscrit dans la même démarche en autorisant ses clients à acheter leur billet d’avion en cryptomonnaie. L’entrée en vigueur du règlement européen MiCa a accéléré ces paiements pas comme les autres. En effet, depuis le 30 décembre 2024, les stablecoins, basés sur l’euro, sont reconnus comme monnaie électronique dans toute l’Union européenne.

En pratique, lors de leur passage en caisse, les clients ont le choix entre le wallet-to-wallet et la carte de paiement. Avec une telle carte, le détenteur de cryptos peut payer dans tout commerce acceptant la carte bancaire. Certaines plateformes d’actifs numériques s’associent à Visa et Mastercard pour rendre possible l’utilisation de ces cartes de paiement. La carte est chargée à partir d’un compte en cryptomonnaies (wallet) que la plateforme concernée transforme en euros. Plus marginale, il existe aussi la solution d’un QR code à scanner directement avec son téléphone portable. En le flashant, le client choisit dans son portefeuille la cryptomonnaie avec laquelle il souhaite payer. Une somme est alors déboursée auprès du client afin de valider la transaction sur la blockchain. La carte de paiement est quant à elle payante et son usage déclenche la matérialisation d’une plus-value qui peut être imposable.

Dans ces deux cas, le commerçant reçoit un paiement en euros car c’est la seule monnaie officielle conformément à l’article L111-1 du Code monétaire et financier. Un procédé qui permet de protéger le commerçant de toute fluctuation du marché de la cryptomonnaie. Par ailleurs, payer en cryptos expose le détenteur à des frais. “Les paiements en cryptos ne sont pas forcément très intéressants fiscalement”, confirme Alexis Boeglin, COO de CrypCool.

En juin 2024 :
- 172 300 investisseurs possédaient plus d’1 million de dollars en cryptomonnaies.
- Parmi ces crypto-millionnaires, 85 400 détiennent leur fortune en bitcoins.

Source : New World Wealth et Henley & Partners

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