Cash management

Placement de trésorerie : les fonds monétaires gardent l’avantage

Malgré la baisse des taux, leur liquidité, leur sécurité et leur simplicité en font un outil de choix des trésoriers

Placement de trésorerie : les fonds monétaires gardent l’avantage © Freepik

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Depuis la poussée inflationniste de 2022-2023, les taux ont baissé mais les fonds monétaires ont toujours la cote auprès des trésoriers d’entreprise. Leurs atouts ? Leur forte liquidité ; un haut niveau de sécurité, les évolutions des taux directeurs étant connues à l’avance ; une possibilité de diversification des risques. Enfin, ils ont pour eux d’être “cash equivalents”. De quoi expliquer qu’ils supplantent les alternatives que sont les dépôts à terme, les fonds obligataires ou encore les cryptomonnaies.


Les fonds monétaires, produits investis sur des titres de créances à très court terme, ont des taux de rendement très proches du taux directeur de la Banque centrale européenne. De fait, après avoir été durant des années proches de zéro, voire négatifs, ces taux ont repris des couleurs lors de la poussée inflationniste de 2022-2023. “Ils ont pu monter à l’époque jusqu’à 4 %. Aujourd’hui [en mai 2025, ndlr], on est autour de 2,5 %. C’est un produit redevenu à la mode, car il est peu risqué, il est même rémunérateur sur une courte période, et il a une forte liquidité. C’est le produit monétaire par excellence dans la gestion en France”, assène David Guyot, CEO de Pandat Finance, un courtier spécialisé dans les placements de trésorerie pour entreprises et institutionnels. “Les fonds monétaires permettent aussi une belle diversification des investissements”, complète Warren Bellaloum, vice-président de la commission placement de l’Association française des trésoriers d’entreprise (l’AFTE).

Sans risque et conforme aux contraintes comptables

Même avec la baisse des taux, les fonds monétaires restent intéressants pour les entreprises qui souhaitent placer leur trésorerie. “Il y a deux raisons, explique Sandrine Rougeron, responsable de la clientèle corporate et des fonds de pension chez Amundi. C’est d’abord un instrument qui répond de façon simple et rapide aux besoins des entreprises pour investir leur cash, sans préavis ni pénalité, quel que soit l’environnement de taux. Dans le contexte actuel, les entreprises ont encore plus besoin de diversifier leurs investissements. Les fonds monétaires apportent une liquidité immédiate, un haut niveau de sécurité et une diversification du risque, ce qui rassure les trésoriers.”

“Tant que les taux ne sont pas négatifs, les entreprises peuvent placer 100 % de leur trésorerie sur des fonds monétaires, sans risque”

De fait, si la baisse n’est pas négligeable, l’opération reste toujours plus intéressante que de laisser sa trésorerie sur un compte non rémunéré. “La mission du trésorier est de protéger les liquidités de son entreprise et d’avoir aussi du rendement. Aujourd’hui, laisser son cash sur un compte à vue, non rémunéré, c’est une hérésie”, affirme Warren Bellaloum. D’autant plus que les baisses de taux des fonds monétaires peuvent s’anticiper. “Tant que les taux ne sont pas négatifs, les entreprises peuvent placer 100 % de leur trésorerie sur des fonds monétaires, sans risque. Elles s’assurent ainsi des rendements générés quotidiennement. Quant aux baisses des taux de la BCE, elles sont annoncées bien à l’avance, nous permettant d’anticiper les évolutions des fonds monétaires”, assurent Geoffrey Bereyziat et Thomas Lagier, les cofondateurs du courtier en ligne Hedg.

Les fonds monétaires séduisent les trésoriers d’entreprises car ils répondent également aux normes comptables qu’ils doivent respecter : “95 % des placements qu’on voit dans les grandes entreprises se font dans des fonds monétaires ou dans des dépôts à terme à horizon trois mois, car toutes ont des contraintes comptables, et d’autres imposées par des agences de rating. Elles ont notamment besoin que leurs placements soient qualifiés en ‘cash equivalent’ [convertibles en liquidités, ndlr] selon les IFRS [‘International Financial Reporting Standards’, un référentiel comptable, ndlr] afin d’être soustraits de leur dette brute dans leur bilan comptable, pour être inclus dans la dette nette”, détaille Mathieu Vincent, associé chez Forvis Mazars. Par ailleurs, depuis les dérives de la crise de 2008, les fonds monétaires sont mieux encadrés et régulés. “Preuve en est, durant la pandémie, la machine ne s’est pas emballée”, avance David Guyot.

Les alternatives aux fonds monétaires

Les fonds monétaires servant avant tout à placer la trésorerie à court, voire à moyen terme, il est possible, pour un horizon d’investissement plus lointain, de viser des produits plus rémunérateurs, mais leur garantie de liquidité est moindre. “Le dépôt à terme permet de placer une partie de sa trésorerie à un taux fixe sur une certaine période, trois à six mois en général, ce qui protège l’argent de potentielles baisses de taux. Mais la liquidité est moindre, cela prend environ un mois pour récupérer l’argent placé”, rapporte David Guyot. “Les fonds monétaires et les dépôts bancaires sont les deux solutions de placement privilégiées par les entreprises”, confirme Sandrine Rougeron. L’avantage des comptes de dépôts est qu’“ils ont aussi la classification cash equivalent”, complète Warren Bellaloum.

“Si vous avez une vision d’investissement longue, les fonds obligataires à court terme peuvent être intéressants. Leur durée de vie plus longue permet de profiter de l’évolution des taux”

De son côté, Mathieu Vincent cite aussi comme alternative aux fonds monétaires les fonds de placement spécialisés (FPS), “qui sont montés par des brokers [courtiers] ou des banques. Ils sont composés d’un panier d’actions ou de titres, et d’un ‘Total Return Swap’ [dérivé de crédit sur transfert de rendement, ndlr] permettant d’échanger la performance du panier contre un indice monétaire capitalisé”. Ces FPS sont éligibles au cash equivalent et “se répandent beaucoup actuellement dans le CAC 40”, affirme-t-il. L’associé de chez Forvis Mazars cite également en exemple les contrats de capitalisation et les opérations de prêts de titres.

Mais l’alternative aux fonds monétaires la plus courante, ce sont les fonds obligataires. “Si vous avez une vision d’investissement longue, les fonds obligataires à court terme peuvent être intéressants. Leur durée de vie est plus longue que celle des fonds monétaires, ce qui permet de profiter de l’évolution des taux”, appuie David Guyot. Chez Hedg, “les fonds obligataires constituent le deuxième produit que nous conseillons le plus, car ils regroupent les obligations des entreprises les mieux notées, avec un taux de défaut inférieur à 1 %. Le risque est par ailleurs dilué à travers des dizaines, voire des centaines d’obligations et les performances sont de l’ordre de 4 % à 5 %”. Geoffrey Bereyziat et Thomas Lagier conseillent de recourir aux fonds obligataires pour un placement d’au moins six mois afin d’espérer un rendement intéressant. Toutefois, la liquidité de ces produits reste importante : “les fonds peuvent être récupérés sous un à trois jours”, assurent-ils.

Les crypto-actifs ne séduisent pas les entreprises

Warren Bellaloum rappelle néanmoins que les fonds obligataires n’entrent pas dans la classification cash equivalent. “Qui plus est, en tant que trésorier d’entreprise, nous ne sommes pas là pour prendre des risques. Donc, s’il est possible d’avoir un taux de rendement autour de 2,40 % [en mai 2025, ndlr] sur un fonds monétaire standard avec une grande maison de gestion, je n’ai pas de raison de me tourner vers les fonds obligataires à court ou long terme. Avec l’environnement dans lequel nous évoluons actuellement, où la volatilité peut être forte, je ne le recommanderais pas”, souligne-t-il. Pour Sandrine Rougeron, tout dépend du type de somme à placer et de son horizon d’investissement. “Le cash quotidien et le cash opérationnel doivent rester liquides à tout moment. Le cash stratégique, lui, peut être placé dans une optique de rendement plus élevé en supportant potentiellement une volatilité plus importante, liée à la nature des instruments utilisés”, observe-t-elle.

“Les plus petites entreprises peuvent investir dans ce qu’elles veulent. Les trésoriers de grands groupes cherchent, eux, davantage la sécurité de placement”

Enfin, pour ce qui concerne les crypto-actifs, l’intérêt est encore très timide. “La trésorerie d’une entreprise doit lui servir à investir, à assurer son fonctionnement et à rémunérer son capital. Les cryptomonnaies ne peuvent pas servir à cela pour l’instant en Europe, elles représentent un trop grand risque”, remarque David Guyot. “Seulement 1 % de nos clients nous ont posé la question. Mais le sujet va émerger dans les années qui viennent avec une nouvelle génération de dirigeants et de directeurs financiers”, remarquent de leur côté Geoffrey Bereyziat et Thomas Lagier. Chez Amundi, une réflexion est en cours quant à la possibilité de “tokeniser”, c’est-à-dire de convertir en valeurs numériques, certaines classes d’actifs. “Nous considérons cette possibilité pour répondre à une future demande. Les particuliers ou les acteurs du Web3 [exploitant la blockchain, sur laquelle reposent les cryptomonnaies, ndlr] seront sûrement les plus intéressés par le sujet, mais nous sommes convaincus de l’intérêt de cette technologie en termes d’instantanéité et de transparence pour des trésoriers d’entreprise”, avance Sandrine Rougeron. “On voit ce type de placements, plus structurés ou risqués, dans de plus petites entreprises. Certaines sont familiales, elles ne sont pas contraintes par leurs investisseurs, et peuvent investir dans ce qu’elles veulent. Les trésoriers de grands groupes cherchent, eux, davantage la sécurité de placement”, abonde Mathieu Vincent.

Marie Frumholtz

3 questions à…
Carole Danancher, directrice générale France de Vivid

Entretien réalisé en collaboration avec Vivid

Carole Danancher, directrice générale France de VividQu’est-ce que Vivid ?
Vivid est une plateforme financière tout-en-un dédiée aux indépendants, TPE et PME. Les petites entreprises représentent la majorité du tissu économique français. Pourtant, elles sont souvent laissées pour compte en termes de produits bancaires et financiers. Nous avons donc taillé des offres sur mesure, abordables et flexibles, pour répondre à leurs besoins et alléger la pression qui pèse sur leurs épaules. En un an, nous avons accueilli plus de 50 000 clients en Europe. La croissance rapide de notre offre est un signe clair que le bouleversement de ce marché n’en est qu’à ses débuts.

Justement, quelles sont vos offres ?
Nous concevons des produits adaptés aux besoins des petites entreprises, comme le “Compte Intérêts”, une alternative flexible au compte à terme (CAT). Sans montant minimum ou maximum, les fonds sont disponibles instantanément, et les intérêts sont versés quotidiennement. Deux modes sont proposés : un mode à taux fixe, idéal pour placer sa trésorerie de manière simple dans des fonds monétaires qualifiés ; ou un mode orienté investissement, conçu par des experts, qui offre trois profils de risque, avec un rendement pouvant atteindre jusqu’à 5 % par an. Vivid offre également compte bancaire, carte Visa, cashback, gestion des notes de frais, comptabilité, etc.

Vous allez également bientôt proposer des crypto-actifs ?
Oui, nous sommes parmi les premiers à avoir obtenu la licence en vertu du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets Regulation) de l’Autorité néerlandaise des marchés financiers. Cette licence va permettre à Vivid d’offrir des services de cryptomonnaies pleinement réglementés dans tous les États membres de l’Union européenne dès ce mois de juillet. Nous proposons différents produits, dont du crypto-trading mais également des produits avec une gestion très passive et accessible au plus grand nombre.

Le label ISR peine à convaincre

Le nouveau référentiel du label ISR (investissement socialement responsable) est entré en application en mars 2024. Cette réforme visait à en renforcer les exigences en matière de responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) en alignant les fonds labellisés ISR sur les objectifs climatiques de l’accord de Paris. Selon un rapport du spécialiste de l’épargne salariale Epsor, début 2024, un fonds labellisé ISR sur deux n’était pas conforme aux nouvelles exigences. En mars 2025, Epsor a publié une nouvelle enquête sur le sujet, révélant une légère amélioration. En 2025, les fonds ISR ont réduit leur empreinte carbone moyenne de 10 % en un an.

Pas de quoi convaincre cependant tous les acteurs du secteur de l’investissement. “Globalement, tous les fonds sont labellisés ISR aujourd’hui. Tout n’est pas réglé, même si ça va dans le bon sens”, relève David Guyot, CEO de Pandat Finance. Pour Geoffrey Bereyziat et Thomas Lagier, les cofondateurs du courtier en ligne Hedg, “le label ISR est un label parmi d’autres”. S’ils reconnaissent que c’est un enjeu pour certains de leurs clients, “notamment pour ceux qui cherchent à ‘verdir’ leur image”, la performance des fonds prime toujours. “Nous proposons des produits labellisés dès que nous le pouvons. Mais, objectivement, ce ne sont pas les placements les plus plébiscités”, assurent-ils. Pour les deux entrepreneurs, le label ISR est trop “léger”, d’autres sont plus intéressants, comme le label Finansol, qui distingue les produits solidaires. Mathieu Vincent, associé chez Forvis Mazars, renchérit : “il y a des placements dans les fonds labellisés, mais c’est encore marginal”. “Au-delà des labels, l’intégration de critères ESG au sein de nos solutions de trésorerie constitue un élément clé de notre approche en matière d’investissement. Notre gestion en fonds monétaires respecte la politique d’investissement responsable d’Amundi ainsi que toutes les nouvelles réglementations”, affirme de son côté Sandrine Rougeron, responsable de la clientèle corporate et fonds de pension d’Amundi.

Les flux dans les fonds monétaires ouverts sont largement positifs.
Ils ont atteint 469 Mds€ en juin 2024.

Source : ‘Les indicateurs sur le marché des fonds monétaires français entre le 30 juin 2022 et le 30 juin 2024’ - AMF (octobre 2024)

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