Parole d’expert

Guillaume Rejou, Cegid

Le VP product marketing de l’éditeur de logiciels de gestion explique comment l’IA peut aider les entreprises à anticiper plutôt que réagir

Guillaume Rejou, Cegid : “Le caractère profondément disruptif de l’IA générative exige une organisation adaptée” Guillaume Rejou, VP product marketing chez Cegid - © Marine Toux

Edouard Laugier
en collaboration avec Cegid

Dans un environnement économique incertain, l’anticipation devient plus cruciale pour les entreprises. Comment ces dernières cherchent-elles généralement à gagner en agilité ?

L’agilité est devenue un enjeu central pour les entreprises confrontées à des situations de permacrise. Les grandes organisations doivent aujourd’hui faire preuve de davantage de réactivité, que ce soit pour anticiper les évolutions ou y répondre rapidement. Dans cette optique, elles cherchent à renforcer leur agilité à plusieurs niveaux.

“Sur des sujets stratégiques comme la gestion de la trésorerie, de nombreuses entreprises s’appuient encore sur des systèmes obsolètes ou peu adaptés, limitant leur capacité d’agilité”

Premièrement, elles adoptent des méthodes de management agiles. Le modèle hiérarchique traditionnel, rigide et centralisé, composé de grandes équipes fonctionnant en silos, tend à céder la place à des organisations plus flexibles. Celles-ci privilégient des équipes autonomes, organisées en “squad” [petite équipe qui se concentre sur des aspects spécifiques d’un projet avec une liberté de choix de leur méthode de travail, ndlr] autour de problématiques spécifiques, avec un leadership thématique. Deuxièmement, elles s’engagent dans une démarche de digitalisation et de rationalisation de leurs processus. L’objectif est ici encore de gagner en agilité. Les procédures internes sont souvent lourdes, complexes, et ponctuées de multiples validations, ce qui allonge considérablement les délais d’exécution. La simplification et l’automatisation de ces processus deviennent donc cruciales. Enfin, le troisième levier réside dans l’intégration des nouvelles technologies. Sur des sujets stratégiques comme la gestion de la trésorerie, de nombreuses entreprises s’appuient encore sur des systèmes obsolètes ou peu adaptés, limitant leur capacité d’agilité. Investir dans la modernisation de leur système d’information s’inscrit également dans cette logique de transformation nécessaire.

Quels sont les principaux freins à l’agilité dans les entreprises ?

Le principal frein réside dans la culture de l’entreprise, marquée par des structures hiérarchiques lourdes et un mode de décision descendant. À cela s’ajoute une résistance au changement de la part des collaborateurs, souvent surchargés de tâches à faible valeur ajoutée qui les maintiennent dans leur zone de confort. Gagner en agilité suppose d’explorer de nouveaux territoires : c’est pourquoi un projet de transformation devra impérativement s’accompagner d’un véritable accompagnement au changement.

En cherchant à gagner en agilité, est-il possible pour une entreprise de perdre le contrôle ?

Tout projet de transformation doit impérativement s’appuyer sur des processus de gouvernance solides et des outils de pilotage de la performance. À défaut, l’organisation s’expose à des risques majeurs, notamment la déstabilisation de dispositifs déjà opérationnels. L’introduction mal encadrée d’une nouvelle technologie peut en effet désorganiser des services entiers, allant parfois jusqu’à imposer l’arrêt complet du projet et un retour en arrière.

Comment Cegid peut aider concrètement les entreprises à gagner en réactivité tout en gardant la maîtrise des objectifs et des résultats ?

Cegid propose des solutions de gestion qui accompagnent et structurent les démarches de transformation des entreprises. Présents sur un marché extrêmement vaste, nous sommes un acteur mondial capable de répondre aussi bien aux besoins des PME qu’à ceux des grands groupes internationaux, et ce dans des secteurs d’activité et des métiers très diversifiés. Nous offrons l’un des portefeuilles les plus complets du marché en matière de solutions de gestion : paie, trésorerie, ressources humaines, fiscalité, ERP, et bien d’autres encore. L’accélération des progrès en matière de modèles de langage permet désormais d’intégrer des fonctionnalités enrichies par l’intelligence artificielle. Depuis deux ans, nos solutions de gestions sont enrichies par l’IA générative, un ensemble d’agents intelligents que nous appelons Cegid Pulse. Ces technologies ouvrent de nouvelles perspectives : automatisation des décisions opérationnelles en temps réel, optimisation des ressources, anticipation des tendances via des scénarios prospectifs, autant de leviers pour guider la prise de décisions stratégiques.

“En matière de trésorerie, grâce à l’IA intégrée dans nos solutions, il est désormais possible d’élaborer un large éventail de scénarios et de formuler des recommandations”

Par exemple, les permacrises – initiées notamment avec la crise du Covid – ont profondément bouleversé les modèles prévisionnels traditionnels en matière de trésorerie. Dans ce contexte incertain, les trésoriers peinent souvent à produire une vision financière fiable à moyen terme. Grâce à l’IA intégrée dans nos solutions, il est désormais possible d’élaborer un large éventail de scénarios et de formuler des recommandations. Les trésoriers peuvent ainsi choisir l’option la plus en phase avec leur stratégie, tout en bénéficiant d’analyses robustes et contextualisées.

En quoi les innovations en IA transforment la façon dont on pilote une entreprise ?

L’IA enrichit considérablement la prise de décision en fournissant une multitude d’informations supplémentaires et en ouvrant l’accès à des options jusqu’alors non envisagées. C’est un levier puissant, mais il est essentiel de rappeler que la décision finale doit rester humaine. L’IA ne doit en aucun cas se substituer à la réflexion, au discernement et à la responsabilité des décideurs. Si l’on s’en remet aveuglément à la machine, le risque de faire de mauvais choix, déconnectés du contexte ou de la vision stratégique, devient bien réel.

Justement, comment éviter que les données en temps réels, les analyses prédictives ou les alertes intelligentes ne deviennent une surcharge informationnelle ?

L’enjeu pour l’entreprise est de préparer les collaborateurs à exercer leur capacité de choix et de décision à partir des propositions générées par l’intelligence artificielle. Nous recommandons la mise en place de systèmes de filtrage et de hiérarchisation des informations, ainsi que d’outils de visualisation centrés sur les données véritablement essentielles.

“L’enjeu pour l’entreprise est de préparer les collaborateurs à exercer leur capacité de choix et de décision à partir des propositions générées par l’intelligence artificielle”

Pour être réellement efficace, l’IA doit être ciblée : elle doit intervenir sur un type de tâche précis, avec un objectif clair et circonscrit. C’est cette approche spécialisée qui permet à nos solutions de démontrer, depuis deux ans, une véritable valeur ajoutée sur le terrain.

Avez-vous un exemple client qui illustre comment une entreprise a gagné en agilité tout en renforçant sa maîtrise grâce à Cegid ?

Un grand groupe international, client de Cegid, a expérimenté l’intelligence artificielle pour optimiser la gestion et la prévision de trésorerie. L’entreprise a mené des projets en s’appuyant d’abord sur des outils d’IA traditionnels, puis sur des solutions plus récentes d’intelligence artificielle générative. Ces technologies ont été déployées à la fois au sein de la maison mère et dans plusieurs filiales, avec des phases de tests à l’appui.

Les résultats ont été contrastés : certains tests ont abouti, d’autres ont échoué. L’ancienne génération d’IA s’est révélée plus performante, car elle a su capitaliser sur des historiques financiers stabilisés, tout en filtrant les signaux parasites des données de prévision passées. À l’inverse, les modèles d’IA générative, appliqués à des environnements déstructurés – notamment dans certaines filiales – se sont montrés incapables de produire des prévisions fiables à court terme.

“Pour être réellement efficace, l’IA doit être ciblée : elle doit intervenir sur un type de tâche précis, avec un objectif clair et circonscrit”

La raison principale : ces modèles manipulent des volumes de données très larges, sans toujours distinguer l’essentiel du superflu. Ainsi, les tests basés sur des modèles de prévision classiques, bien cadrés et structurés, ont mieux fonctionné que ceux réalisés avec des approches génératives, trop sensibles à la complexité et à l’hétérogénéité des données.

La leçon à tirer est claire : pour être véritablement efficace, l’IA générative doit être intégrée de façon rigoureuse dans des domaines bien délimités et structurés. Il ne suffit pas d’ajouter cette technologie aux outils existants : le caractère profondément disruptif de l’IA générative exige une organisation adaptée.

Nous recommandons une approche en trois étapes. Primo : engager une réflexion stratégique sur la transformation IT nécessaire pour accueillir l’IA. Ensuite, mettre en œuvre cette transformation en posant les bases d’une architecture adaptée. Intégrer enfin l’intelligence artificielle dans le système, de manière progressive et ciblée.

Tenter d’implémenter l’IA sans une véritable transformation expose l’entreprise à des risques accrus de biais, de contre-performances et d’échecs.

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