George Washington,
par Malcolm Biiga
Le lien croissant entre sphère politique et pop culture n’est plus à démontrer. Dès le milieu de la présidence Clinton, le petit écran s’est emparé du monde politique à travers des séries télévisées. La plus légendaire d’entre elles, ‘À la Maison Blanche’ (‘The West Wing’ en version originale, diffusée dès 1999), a popularisé la fiction politique. Des États-Unis au Royaume-Uni, le genre se renouvelle oscillant entre drame et comédie. Le paysage télévisuel français est, lui, parvenu à creuser son propre sillon avec des œuvres tels que ‘Baron Noir’ (Canal+) ou ‘En Place’ (Netflix).
La politique, entre comédie et drame
En ligne depuis peu sur Arte TV, les six épisodes de ‘Sous contrôle’ narrent les péripéties de Marie Tessier (Léa Drucker), une directrice d’ONG catapultée du jour au lendemain ministre des Affaires étrangères. Cette nomination d’une personnalité de la société civile au Quai d’Orsay intervient en plein milieu d’une crise diplomatique. En rupture avec son expérience dans l’humanitaire, l’idéalisme de la nouvelle ministre se confrontera à l’exercice du pouvoir dont elle ignore les codes. “Arte nous a laissé le champ libre pour cette création originale, qui traite des coulisses de la vie politique de la France”, résume Charly Delwart, son créateur belge.
“En prenant le parti de passer d’un camp à l’autre, on comprend mieux comment se créent la complexité de la communication et le chaos propre à la gestion de crise”
Derrière son volet comique, ‘Sous contrôle’ aborde l’épineux sujet de la prise d’otages de citoyens français en Afrique. Delwart s’est d’ailleurs inspiré de faits réels pour construire son scénario, notamment “la prise d’otage de salariés d’Areva au Niger. Un article du journal ‘Le Monde’ montrait des dysfonctionnements dans la gestion de la négociation et le changement de politique d’un mandat à l’autre. En prenant le parti de passer d’un camp à l’autre, on comprend mieux comment se créent la complexité de la communication et le chaos propre à la gestion de crise”.
Inspirations anglo-saxonnes, fiction française
Car au-delà de la crise diplomatique imaginée par Charly Delwart, c’est une crise communicationnelle qui est au cœur de la mini-série. ‘Sous contrôle’ élève Léa Drucker au rang de ministre des Affaires étrangères comme prétexte pour mettre en lumière l’influence des spin doctors. Jusque dans le titre, on voit l’ombre des communiquants politiques souhaitant garder la main sur les messages diffusés : “la communication occupe désormais une place importante de la vie politique française, aujourd’hui construite à base d’éléments de langage et de narratifs”.
“L’humour est plus difficile à monter que le drame, mais le genre peut coexister avec le ton dramatique des séries politiques américaines”
Le créateur de ‘Sous contrôle’ évoque parmi ses sources d’inspiration ‘The West Wing’ ou ‘House of Cards’ (la version américaine et anglaise). Mais plutôt que l’idéalisme de la première ou le cynisme de la seconde, Delwart aura choisi le “genre comique screwball de ‘Veep’ ou ‘The Thick of It’ – et son film dérivé ‘In the Loop’”. Car la fiction politique, selon lui, est trop rarement présentée en France sous l’angle comique. La série britannique ‘The Thick of It’ (2005-2012) avait d’ailleurs traité également des spin doctors : l’acteur écossais Peter Capaldi y incarnait Malcolm Tucker, un conseiller comique et tyrannique du Premier ministre britannique. La série avait été adaptée aux États-Unis sous le nom de ‘Veep’ (2012-2019).
Le dénouement de ‘Sous contrôle’ n’appelle aucune suite. Mais l’auteur espère que sa série, nouvelle contribution à la “fiction politique à la française”, “encouragera le genre comique, à l’image de ce que proposent les Anglais. L’humour est plus difficile à monter que le drame, mais le genre peut coexister avec le ton dramatique des séries politiques américaines”.